Delphine
Partant du principe que nous avons tous une partie féminine et une partie masculine en nous, être une femme pour moi, c’est laisser s’exprimer cette partie féminine dans mon corps de femme, m’en servir en complément des attitudes masculines en fonction des situations et de mes envies, et, c’est aussi vibrer avec les autres, dans l’expression de leur féminin.
Au lieu de partie « masculine » et partie « féminine », d’autres diraient plutôt le yin/yang, le cerveau droit/gauche … J’associe au « féminin » ce qui relève de l’intuition, du « non-explicable », du fluide qui ne peut exister sans le « masculin » que j’associe à ce qui est structurant, le contenant, l’explicable. Un exemple simple, le « masculin » peut être représenté par un verre et le « féminin », c’est l’eau qu’il contient. Dans cet exemple, l’eau n’a pas de forme et ne peut « se tenir/prendre une forme » sans le verre. Et ces deux parties sont, selon moi, complémentaires.
J’ai l’impression que ce sont les caractéristiques dites « masculines » qui sont mises en avant dans notre société. Il me semble très difficile de laisser s’exprimer la partie « féminine » (aussi bien en tant qu’homme ou femme) dans la société actuelle, voire je pense dans certains contextes, c’est impossible.
Pour ma part, j’ai surtout développé la partie « masculine ». L’image de la femme vient avant tout de mes parents. J’ai eu une mère qui me renvoyait l’image d’une femme qui contrôlait et décidait de tout, et un père, ayant peu confiance en lui, qui attendait de sa femme qu’elle prenne des décisions à sa place. Ma mère m’a toujours ressassé de ne surtout pas être dépendante d’un homme, comme c’était le cas pour elle, et de travailler dur à l’école pour réussir, avoir un métier, qui pourrait être défini d’« alimentaire » au final. Pas de loisirs, pas de plaisirs, pas de miroir (regard sur le corps) pour ne pas perdre l’objectif de réussite scolaire. Par la suite, j’ai réalisé le souhait de ma mère et je suis autonome financièrement. J’ai exercé un métier d’ingénieur qui a pour mission, si on veut le caricaturer, d’aller d’un point A à un point B, sans détour. Je sais me donner les moyens d’atteindre un objectif avec des contraintes clairement définies.
La partie féminine chez moi ne s’est développée que plus tard, autour des activités de loisirs (peinture, modelage à la terre). Je pratique ces activités avec une approche basée sur mes ressentis et mes émotions. Je ne sais pas ce que je vais faire et le découvre en le faisant. Je sais rarement expliquer pourquoi j’ai réalisé telle ou telle chose, et encore moins, donner du sens à une série de tableaux que je souhaite exposer. C’est cette autre partie de moi que j’explore, un corps que j’ai occulté pendant toute mon enfance et adolescence, un corps de femme.
Il y a quelques années, j’ai eu une opération chirurgicale d’un kyste sur une corde vocale qui bizarrement m’a permis de changer ma voix très rocailleuse (« masculine »?) en une voix plus douce et plus légère (« féminine »?).
Pour moi, je suis une femme lorsque je prends le temps d’explorer, quand je ne peux pas expliquer, quand je me disperse, quand je ressens une énergie/un fluide qui vient d’ailleurs … de l’autre et, que cette énergie me fait écho … me fait vibrer … sans des mots … sans des actions physiques, visuelles. Aujourd’hui, en m’exprimant parfois, je perçois d’où vient une réaction en moi, quelle force la motive. Cette énergie aussi est véhiculée, quoiqu’il en soit, vers celui/celle qui est en face. C’est ma partie féminine qui s’exprime et elle fait souvent écho à la partie féminine chez l’autre, que ce soit un homme ou une femme en face. Et, si en face, la partie « féminine » sait s’exprimer dans son féminin/masculin, nous vibrons ensemble.