Témoignages

Johanne

Être femme pour ma mère…. J’ai une relation très fusionnelle avec ma maman. Elle m’a élevée seule, divorcée de mon père quand j’étais petite. Elle a tout fait : le rôle de maman, de papa. Gendarme, comme elle disait.

Ma mère était une femme très traditionnelle avec mon père : la bonne épouse qui fait le repas, se pomponnait, qui ne travaillait pas parce que mon père ne voulait pas.

Elle avait un fort caractère et il était macho et ne se comportait pas bien. Elle a fini par se séparer de lui et a recommencé sa vie à 38 ans, avec ses deux enfants sous les bras. Elle s’est battue pour nous et a fait quelque chose de super.

Pour ma mère, être une femme c’est avoir les cheveux longs, du maquillage et un mari, tous les clichés féminins. A tel point, qu’aujourd’hui à 36 ans quand je vais chez elle, et que je ne suis pas maquillée : « mets du maquillage, pourquoi tu n’as pas de boucles d’oreille ? » Et je le faisais : des brushing toutes les semaines depuis mes 15 ans, et depuis que j’ai arrêté je me sens plus femme.

Toute ma vie, j’ai entendu dire que je n’étais pas féminine. Je n’étais pas une femme comme les autres, parce que j’étais ronde, j’étais garçon manqué, je ne prenais pas assez soin de moi.
Quand je lui ai annoncé mon homosexualité à l’âge de 22 ans, ça l’a choquée, elle l’a très mal pris on ne se parlait plus pendant des semaines. Mon coming out a été très difficile.
Et là en février, sur un coup de folie, j’ai coupé mes cheveux : alors que pour ma mère, c’est la quintessence de la féminité. Quand elle m’a vue, elle m’a dit que c’était horrible et ne m’a plus parlé pendant une semaine. Et pour une fois j’ai osé lui dire que le principal est que ça me plaise à moi. Pour ma mère j’ai l’impression que je ne suis pas une femme, je suis une petite fille.

Bizarrement, je me suis coupé les cheveux pour me sentir femme. Avoir les cheveux longs c’était rester la petite fille qui voulait faire plaisir à maman. Et en coupant mes cheveux je ne me suis jamais sentie aussi bien dans ma peau.  

Petite, j’étais très garçon manqué. J’ai une sœur très coquette, très jolie, qui a toujours été la petite poupée : la plus belle du collège et du lycée. Moi j’étais la petite sœur boulotte.
Je n’ai jamais pu être féminine parce que c’était ma sœur qui l’était, moi j’étais moi-même.

Parfois j’ai l’impression de ne pas être féminine, mais je sais que je le suis déjà par mon physique : j’ai des formes, j’ai des seins, je suis ronde, par mes traits.

On me dit souvent que j’ai un physique de fille, mais que je me déplace comme un bourrin, on m’entend de loin ! je ne sais pas marcher avec des talons aiguilles, porter des robes sans me porter déguisée. J’ai toujours tendance à cacher ma poitrine à ne pas la mettre en valeur.
Ça vient peut-être du surpoids ? Il faut dire que j’ai fait une opération en 2013 : réduction gastrique.
J’étais mince jusqu’au divorce de mes parents à 7 ans, je me suis mise à grossir en réaction, parce que je n’étais pas bien dans ma peau. Et mon père pour compenser son absence et ses conneries, nous gâtaient par la bouffe, et c’est comme ça que j’ai commencé à me réfugier dans la nourriture. Et de 7 ans à aujourd’hui, ma vie a tourné autour du poids. Dès que je ne suis pas bien je grossis. Et il y a quelques années, tout était si confus : le stress du boulot, la relation avec ma mère, mon homosexualité, j’ai atteint 109 kg. Je grossissais à vue d’œil.
C’est ma mère qui ne le supportait pas qui m’a poussée à faire la chirurgie.

Et jusque-là, je ne me sentais pas belle, Je n’avais pas confiance en moi, dans mes relations amoureuses dans mon travail. J’étais très timide, très renfermée.
Et après l’opération, j’ai perdu 40kg. Et à ce moment-là, ça été le changement. Je ne me suis jamais sentie aussi bien, aussi belle. Je faisais attention à mon look.
J’avais quand même la sensation d’avoir triché : je n’avais pas maigri de moi-même. Mais je n’y arrivais pas.
Et ça a fonctionné quelques années. Mais le problème quand tu fais une chirurgie comme ça, c’est le corps que tu changes, mais si tu ne guéris pas ta tête… C’est revenu en boomerang, et ça fait deux ans que je me suis remise à grossir. Et ça me fatigue, mais en même temps je n’arrive pas à m’arrêter. Il faudrait que je voie un psy pour savoir pourquoi je grossis à la moindre contrariété.

Depuis que j’ai grossi, je me renferme à nouveau sur moi-même. Et ma mère me remet à nouveau la pression.
Et même dans ma vie amoureuse, je ne me sens pas belle et désirable, je n’ai plus confiance en moi. Je me dis que ça suffit. Je n’ai pas fait tout ce chemin pour rien.
Au niveau du travail aussi, ou avant d’être en couple, je me suis mise à plaire, ça m’a fait changer. Ça m’a fait du bien à l’égo. Je n’avais pas beaucoup d’estime de moi, et avec ça j’ai eu foi en moi.

Et pourtant je suis la même personne. C’est juste le poids qui change.

Je fais un métier de femme : je suis dans la communication. Quand tu fais tes études de comm, il y a 90% de filles. C’est marrant parce que la plupart du temps se sont des poupettes, et moi non. Je n’ai jamais été trop girly.
Mais être une femme dans mon travail, c’est une bonne chose, ça me donne de la force. Il faut être sensible et intuitif, et moi j’aime les relations publiques, j’aime les gens, j’aime parler.
Dans mon entreprise, il y a beaucoup de femmes, et j’ai vraiment la chance : je ne me fais jamais embêter. C’est vrai que j’ai du caractère et de la répartie et que ça doit aider aussi.

Je suis lesbienne, et mon look m’a posé des problèmes  : c’est que physiquement je suis très femme. J’avais les cheveux longs et bouclés, je ne m’habille pas en garçon manqué et dans la communauté homosexuelle personne ne pensait que j’étais homosexuelle. J’avais beau aller en boîte en soirée, je ne me faisais jamais draguer. On me prenait tout le temps pour une hétéro à cause de mon physique.
D’ailleurs à mon travail, personne n’a jamais su, à part les gens proches, que j’étais lesbienne. Et le jour où les gens ont compris, c’est grâce à ma copine. Je pense que j’attendais d’avoir quelqu’un de sérieux pour faire mon coming out, ça ne m’a jamais gênée : je suis fière de marcher avec elle.
Et me couper les cheveux, c’était aussi pour appartenir à ce groupe, qu’on me reconnaisse en tant que lesbienne. Je n’avais pas fait que me couper les cheveux, j’avais fait la coupe stylé, rasée sur le côté. Ça m’a fait du bien aussi d’adapter mon look à ma sexualité.

Et là j’ai envie que ça repousse, je veux changer à nouveau. J’aime mon look féminin aussi, on me l’a dit que c’est ma force aussi.

Jusqu’à ce que je rencontre ma copine, je ne me voyais pas mère. Je suis lesbienne, et c’est con parce que ça ne veut pas dire que j’étais stérile, mais je pense que je n’étais pas prête, j’étais dans l’instant présent.
Et ma sœur a eu un petit garçon qui est mon filleul, et ça a tout changé pour moi. C’est l’homme de ma vie, l’amour de ma vie. J’ai vu que j’avais beaucoup d’amour à donner, et on a parlé d’avoir un enfant dans mon couple. Et l’envie est venue. Je me suis dit que c’était la bonne personne avec qui le faire, que je ne serai pas seule. Ça me laissait une possibilité, et je me suis mise à y penser sérieusement. Je sais aujourd’hui que je veux devenir maman, que j’ai ça en moi, que j’ai toujours eu ça en moi. Mais que je ne me l’autorisais pas.
Étant lesbienne, c’est difficile, j’ai essayé : j’ai eu recours à un donneur et ça n’a pas marché. A un moment j’ai baissé les bras : tant pis, le temps passe. Mais en fin de compte, je me dis que si je n’ai pas d’enfant j’aurai gâché ma vie. Pour moi la concrétisation, pour moi être femme, c’est porter un enfant, donner la vie, donner de l’amour. Et je sais que je saurais rendre un enfant heureux, même si ma situation est difficile. Je suis en train de réfléchir. Je ne sais pas comment m’y prendre parce qu’il grandira dans une famille différente. Mais c’est mon projet et plus le temps passe et moins j’ai de chance de le concrétiser, je pars avec des armes en moins. Mais je pense que je me sentirais vraiment femme quand je porterai un enfant, quand je serai maman.
Ou si ce n’est pas possible, j’adopterai un enfant. Quand je me projette, je ne me vois pas vieillir sans enfant.

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