Faham
Ce qui résonne profondément en moi depuis que je me pose cette question, c’est Faham.
Faham. Je suis femme-orchidée. Enracinée dans la terre nourricière ou le bois des forêts. Et je me relie au ciel, au soleil et aux étoiles. Je ritualise les cycles de la lune et les appels de mon âme en soif d’introspection et de solitude. J’observe. J’alerte. Je protège.
Je suis endémique de mon territoire. De mon corps, de mon esprit et de mon âme.
Je suis femme africaine d’abord ou Yassi Gounda, « la fille de la brousse ». Femme sauvage et instinctive, guidée par l’univers, la nature, les animaux et mes ancêtres.
Je suis femme occidentale ensuite. J’ai foulé de mes petits pieds nus l’hexagone à partir de 7 ans. Je suis entrée dans un système. Non pas solaire, mais sociétal. Je suis devenue Estelle. Femme intellectuelle et de raison.
Mais Estelle, c’est étoile aussi. Et Yassi est restée.
Deux chemins et plus encore. Qui s’entrelacent parfois difficilement. Des chemins qui me bouleversent. Des chemins qui me parcourent. Que je parcours. Je suis. Je vais, je vis et je deviens entre la raison et le cœur. Labyrinthe de mon être. Labyrinthe de femme. De Faham.
Le Faham. Fleur immaculée et son masculin. Je suis femme-orchidée avec sa part de masculin. Deux polarités qui se complètent et qui créent l’unité de mon Être.
L’Énergie du masculin, du feu. Le Yang. Qui me permet d’entrer en action. De me dépasser et de prendre des décisions tranchées.
Pétales vulnérables, tâchées de sang. Je suis femme blessée. Conditionnée et héritière des vies d’une lignée. Je ne suis pas seule. Dans mon ventre, mon utérus et dans mes féminités. Reflux de chair ensanglantée dans mes entrailles. Tous les mois. La chair ensanglantée colonise mes organes.
Être une femme, avec des menstruations et souffrir…C’est normal. Formule magique entendue toute ma vie jusqu’à mes 27 ans. Alors, serrer les dents. Souffrir. Saigner. Rester au lit. Saigner. Tomber. Vaciller. Perdre connaissance, encore et encore. Saigner. Accoucher de mon endomètre. Hurler. Pleurer. Essayer de me plaindre le moins possible. « Parce que c’est normal ». Penser mourir. Dormir à jamais. Me brûler pour oublier la douleur utérine. Faire l’amour en souffrant. Sans comprendre.
Faham brisé et rare. Faham tourmenté. Faham fané. Puis en floraison. Cyclothymique et épuisé.
Le 18 janvier 2019. L’endométriose et sa consonance barbare entachent la poésie. Pourtant, elle est là et doit être nommée. Elle est nommée ! Pour être apprivoisée, en douceur. Qu’est-ce que je n’ai pas vu que j’aurais pu voir ? Quels étaient les signes ? Le mal a dit malgré la lumière. Je suis si reconnaissante des plaintes de mon corps malgré la souffrance. Écouter. Respirer. Avancer, pour guérir. Les blessures physiques et de l’âme.
Pour m’aimer. Et Aimer.
Femme-louve. Femme-lionne. Je renoue avec mes désirs et mon corps. Je danse. Je danse. Je danse. Je transforme, je traverse pour retrouver la lumière. Avec mes sœurs. Mes mères. Mes frères. L’Homme que j’aime.
Femme sorcière et femme magicienne, avec la possibilité de me libérer.
Faham sucré, acidulé, arôme arrangé. Faham thérapeutique et médicinal. Femme guérisseuse.
Je danse, je transforme. Je traverse pour retrouver la lumière et aimer mes parties sombres. Car c’est à travers les failles que j’aperçois la lueur du jour.
La rosée perle sur les pétales blancs de l’orchidée. Les racines à l’air, aventureuses, prêtes à s’ancrer dans la Terre. Dans la Terre-Mère.
Je vais, je vis et je deviens dans une poésie en demi-teinte. Dans une poésie de vie.
C’est tout ça pour moi, aujourd’hui être une femme. Être des femmes. Être Faham.