Audrey
Être femme…
Je pense que ce qui me submerge le plus quand je pense au fait que je suis femme, est la chance incroyable de pouvoir vivre mille vies en une.
De me souvenir avec émotion de la jeune fille, de la jeune femme, de la femme que j’ai été et que je suis, et des versions de moi que je n’ai pas encore rencontrées.
La féminité (et surtout tout ce que je n’en comprenais pas)
m’a longtemps encombrée. Avoir l’impression d’être investie d’une mission mais
ne pas savoir laquelle.
Ma première erreur a été de croire qu’elle était de me trouver un homme qui
pourrait prendre soin de moi, à qui je ferai des enfants dont je prendrai soin.
M’occuper du foyer, faire les courses, le ménage et à manger. Me persuader que
ma vie serait belle sous un tablier. Lui faire l’amour et prétendre que ses
désirs sont les miens. Mettre de côté mes études et demander la permission
avant chacune de mes décisions. Demander l’autorisation de penser. Et réaliser
un jour que c’est moi que je mettais de côté en m’enfermant dans une cage en
carton.
Cette période de ma vie me paraît maintenant loin derrière
moi, et les regrets sont fanés. Mais je sais qu’elle est à l’origine de ma soif
de vivre, d’apprendre, et expérimenter d’aujourd’hui.
Je le dois à chacune des femmes que j’ai été : rattraper chaque seconde
perdue.
J’ai cru par la suite que je devais mettre un masque masculin pour qu’on me prenne au sérieux, moi maman célibataire. Être le père et l’homme de la famille pour que rien ne s’écroule. J’ai dépensé une énergie folle et toute ma sérénité à endosser un rôle pour lequel je ne suis pas faite.
J’ai cru pouvoir reconquérir un corps que j’ai mis longtemps à réapprivoiser à travers une sexualité un peu agressive, comme une lutte de pouvoir sur des souvenirs douloureux.
J’ai cru que la force et la résilience dont je faisais preuve venait de cet homme en moi qui s’exprimait. Je me trompais. Je peux être forte et femme. Et il n’y a pas d’homme en moi, il y a une femme qui a un jour retrouvé sa place.
Le rapport aux hommes peut être difficile quand on ne se s’autorise pas de faiblesse. J’avais pris l’habitude d’annoncer : « tu peux entrer dans ma vie mais je n’ai pas besoin de toi. » C’est la partie de moi blessée et apeurée qui s’exprimait et se protégeait. Même si dans les faits, c’est une réalité : je n’ai pas « besoin » d’un homme pour m’aider à vivre, à avancer ou affronter le quotidien.
La plupart des hommes qui ont croisé ma route m’ont surtout appris à baisser la garde et réapprendre à aimer. Réapprendre à faire confiance. Pour être prête à ouvrir les portes de ma forteresse à cet homme là. Celui qui aujourd’hui me comprend vraiment. Et cette première vague d’amour accueillie sans la freiner, après avoir verrouillé mon cœur pendant si longtemps, est presque douloureuse. Un peu comme cette joie de retrouver un être cher qui arrive par surprise, quelqu’un qui vous a vraiment manqué. Ça m’avait tellement manqué d’aimer vraiment.
Avec cet amour là, j’ai retrouvé cette partie de moi que je préférais. Cette jeune femme de 18 ans insouciante et pétillante, qui n’avait pas peur, qui avait confiance en son avenir et qui ne se posait aucune question avant de sauter dans une nouvelle aventure.